Sculpture : Une histoire monumentale

I Un article de Pierre Leblanc dans le Journal Ski-se-Dit, page 11, février 2017 |

Comment débuter l’histoire, car c’est une histoire.

La mienne en somme ! Parce qu’une histoire en vaut bien une autre… alors voici !!

pierre-leblanc-sculpteur_laval

Je suis sculpteur de mon état !

Pour se faire, j’habite l’espace.

De préférence, les espaces publiques…

Et cela depuis un bon p’tit moment de temps… soit un demi siècle à ce jour !

Cette fonction qui dicte ma vie depuis le premier jour, m’amène à construire des formes composées de bribes d’histoires autant personnelles qu’inspirée de l’histoire en général… Qu’elle soit grande ou petite ! L’ensemble de ces données constitue les ingrédients nécessaires pour concevoir des marqueurs que sont mes sculptures afin de ponctuer le temps dans l’espace. Le but avoué est de faire vivre ces amers sur la place publique, pour initier un dialogue avec les gens qui les côtoieront. Vivre et habiter ainsi l’espace et les cieux autant au sein des grandes villes que dans de petites municipalités. En effet, à travers les grandes et moyennes villes, tel Montréal, Laval, Québec ou Saint Jérôme et des détours par Sherbrooke, Lachute, Joliette ou Beauharnois… Mes œuvres habitent ces lieux et leurs cieux !

Ainsi, de Mont-Laurier à Sherbrooke et de Gatineau à Sept-Îles, du Nord ou Sud, d’Est en Ouest… j’habite autant que faire se peut… l’espace du Québec ! Des points de chutes variés servent de réceptacles où mes œuvres finissent par y trouver refuge. C’est ainsi que plusieurs centres communautaires, Hôtels de Villes, Université, Cégeps, écoles primaires tout comme secondaires, en passant par les CLSC et CHSLD de même que les hôpitaux, constituent ces lieux réceptacles. Évidemment plusieurs d’entres elles ont aussi trouvées asile dans une quinzaine de Musées dispersés à travers le Canada.

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Mais au tout début pour que le travail arrive, si je puis dire à prendre forme … j’ai besoin d’un lieu ! Un lieu de vie… de vie et de travail à la fois, loin des tumultes et de la fébrilité des villes, car tel était mon désir à l’origine afin de dénicher le bon endroit pour m’y établir. Établir et pouvoir prendre et conserver le cap sur mon travail et par le fait même… sur ma vie !    Ce lieu aura pour nom, Val-David et ce depuis 1974!

En effet, cela fera 43 ans que je suis citoyen de ce village et plus précisément, depuis mon arrivée, se situant à la fin janvier 74. Étrange coïncidence la maison fut achetée le jour de mon anniversaire…  mais rien n’était planifié dans ce sens là !

Ce que je cherchais avant tout à l’époque… c’était un lieu avec bâtiments pour que ces derniers me servent d’ateliers, et tout ça, à pas plus d’une heure de route de Montréal et surtout à pas cher ! Et le hasard fit en sorte que ce fut ici !

Avant 74… j’avais bien eu des ateliers, car j’étais déjà un sculpteur qui avait bien en main sa pratique. Pratique acquise auprès de sculpteurs aguerrit comme André Fournelle, Armand Vaillancourt ou Robert Roussil, pour ne nommer que ceux-là ! À travers le trajet que marque mes divers ateliers, on suit ainsi une partie de mon parcours de vie et de sculpteur. Donc le premier atelier fut le hangar chez mes parents dans un troisième étage à Verdun, un peu à l’image de Marcel Barbeau et Jean Paul Riopelle qui firent de même dans le hangar familial de Barbeau à l’époque, puis… puis vint un vrai atelier de métal, celui-là dans le Vieux-Montréal, situé au deuxième étage d’un immeuble au coin des rues Saint-Paul et Bonsecours, face à l’église du même nom. Fin des années soixante, soit de 68 à 72, se fut Pierrefonds localisé au 23 000 boulevard Gouin, à la Fonderie Expérimentale avec André Fournelle… et finalement, Saint Lambert sur la rue Birch, dans la cave de ce logement de 72 à 74, fut mon dernier lieu de travail et de vie situé au sud. En effet, cela devenait trop dangereux et risqué de jouer avec le feu… avec chalumeau, bonbonnes de gaz et ce genre de Bazard, dans une cave d’un quartier résidentiel.   Alors, je dû penser sérieusement à trouver un lieu pour que tout cela cohabite. Le feu et la vie !

Alors après des recherches qui se sont soldées souvent par des échecs, voilà qu’un jour je reçu un coup de téléphone d’un agent d’immeuble ami de ma belle famille. Il me fit découvrir l’endroit où je suis encore aujourd’hui et en avril 74… après trois mois de rénovations à l’intérieur de la maison afin qu’elle soit viable, le déménagement proprement dit eu lieu !

Donc à mon arrivée, dans la paroisse comme dirait mon voisin, Val-David m’a finalement donné ce que je cherchais, soit un lieu qui serait bien a moi et que je pourrais transformer à ma guise afin de pouvoir y travailler la vie et la forme!

Mais au départ… quel drôle d’occupation et de parcours de vie que cette vie consacrée à la matière… de préférence minérale, quoi que je n’ai pas de ségrégation envers les autres matériaux !

Une vie consacrée aussi à la forme… à la forme… Mo-nu-men-tale !

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Cette façon d’être et de voir, dicté par mes maîtres à penser énumérés plus haut, a aiguiller ma vision et voir à leurs façons certaines choses. J’ai immédiatement compris que mes œuvres devraient être traitées le plus possible de façon monumentale ! Enfin, autant que faire se peux ! On ne travail pas au côté de ces monuments, de la sculpture et en sortir indemne !! Ces trois artistes et d’autres m’ont apportés une nouvelle façon de voir et comprendre le métier et le rapport que la sculpture devrait avoir avec la société, dont nous sommes partie prenante et aussi à travers notre propre vie !

Pour se faire, je suis depuis ce jour à effectuer un voyage intérieur à la recherche justement de ces formes, toujours dans le but de témoigner et de discourir sur divers sujets.

Mais… car il y a toujours un mais ! Ces recherches sont accompagnées et alimentées constamment par des doutes, et des angoisses… Hantée aussi par les pannes d’inspirations… cette existence n’est vraiment pas de tout repos. Avec ses rentrées d’argent en dents de scie… cela finirait par épuiser n’importe quel individu normal et plusieurs ont très justement démissionnés à ce jour. Depuis mes débuts, la quasi totalité de ceux que je côtoyais à l’époque ont finalement prit un autre chemin moins tourmenté, pour y poursuivre leurs vies respectives. Ce désir de voir la forme prendre vie et occuper l’espace public, annule comme par magie les inconvénients et…   et faire en sorte que pour moi à chaque réalisation nouvelle, la vie renait à nouveau !

C’est justement le cas présentement, avec la réalisation d’un projet sur lequel je travaille depuis plusieurs mois. Projet qui me donne cette énergie de vivre à fond ! Ce projet longtemps resté derrière, pour de multiples raisons, a prit du temps à s’installer définitivement dans le temps. Des problèmes multiples ont fait en sorte de retarder de plus de dix ans sa reconstruction finale et d’habiter enfin la cité. Je reviendrai plus tard, sur ces raisons et la signification de l’œuvre, mais là pour l’instant, Je suis en plein travail de reconstruction et de construction et ce malgré cette température froide de janvier et de ses neiges abondantes. Je travaille afin de terminer le dernier volet de cette sculpture monumentale ! La sculpture se composant de trois éléments sous forme d’installation, dont deux éléments importants sont présentement en place à Beauharnois.

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Cette dernière tour qui comme les deux autres culmineront à plus de dix mètres, reprends vie et j’espère l’installer à la mi-février. Le projet final aura une envergure de plus de 10 mètres de hauteur se prolongeant sur plus de 23 mètres dans sa largeur et de plus de six mètres sur sa profondeur. À ce jour il y a donc les deux tiers qui sont en place depuis avant Noël, dans le parc jouxtant l’hôtel de Ville de Beauharnois. Dans ce parc je suis accompagné ou vis et versa… par mes deux amis et confrères, Bill Vazan et Armand Vaillancourt…

À suivre…

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Pierre Leblanc l intelligence des mains

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Pour débuter, voici un court vidéo de Renée Côté sur l’installation de la sculpture monumentale Naissance, envol et vie… ou Pour la suite du monde au pavillon Ferdinand Vandry à l’Université Laval de la faculté de médecine, le 15 juin 2009. Cette capsule vidéo de 8 min 40 sec, est un aperçu du film en devenir de Renée Côté. La direction photo est assuré par Nathalie Lasselin. Bon visionnement !

« Le 15 juin 2009 à 5 heures du matin, nous étions tous à préparer la mise en place de l’appareillage (grue et outils en tout genre) afin de mettre en place l’oeuvre extérieure dédiée au pavillon Ferdinand Vandry à l’Université Laval. Pavillon dédié à la santé et à la médecine. La sculpture devait être installée dans une cour intérieure de la faculté et nous devions impérativement passer par dessus le bâtiment et nous rendre pratiquement au fond de la dite cour, quelques 40 à 45 mètres plus loin. Les pièces devaient s’élever à peu près à la même hauteur dans les airs afin de passer correctement au dessus de l’édifice.

Donc beaucoup de travail en perspective et mes deux acolytes, soit mon fils Vincent Leblanc et son ami d’enfance Emmanuel Proulx étaient là comme le prolongement de mes bras et de ma tête. L’architecte Marc Letellier était aussi au rendez-vous. Nous étions aussi secondé par Réjean Hardy qui s’occupait du chantier pour l’Université et de Monsieur Bouillon et de son opérateur Gilles pour la grue. » -Pierre Leblanc

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Et pour continuer, voici un texte de Michel-Pierre Sarrazin:

Pierre Leblanc: La guerre au temps

J’ai connu Pierre Leblanc la nuit, fumant par toutes les pores du cuir devant sa forge, en tablier de peau, eubage possédé par le feu des Druides. Il tenait la flamme en échec avec un bouclier d’éclats de rire. Il menait dans la nuit, avec André Fournelle, des bacchanales de fer. il sculptait mo-nu-men-ta-le-ment le symbole. Pierre Leblanc s’en prenait à la matière pour lui faire rendre gorge et avouer des arcanes magiques. Leblanc me paraissait n’être qu’un nom de code, comme Renoir ou Rodin, cachant de fulgurantes passions: en réalité, ce sculpteur semblait temporairement venu du fond des âges pour créer joyeusement, en riant dans sa barbe de mâchefer, des pièces de pyrotechnie pour un combat contre la montre.

Leblanc faisait alors la guerre au temps. Il la fait encore. Il produit des mécaniques à l’envers des montres, pour démonter le sens des aiguilles.

Il construit des ponts, des autels, des engins, il tire des plans, il provoque la tension qui vitalise la matière, comme un mécanicien penché sur un moteur qu’il soumet aux essais. Il est passionné par le son minéral. Il tente de l’ajuster à l’oreille humaine.

Que signifient ces poutres d’acier, mises en équilibre sur des pierres? Et ces bas-reliefs de bois, qui se suspendent aux murs comme des cadres? Et ces maquettes-poèmes illustrées, d’Arles et de Rennes? Et ces monuments mégalithiques, hommages à des pratiques disparues, à une race antique? Que fait Pierre Leblanc? Il professe la sculpture en mettant le voyeur en apnée. Il occupe l’espace. Comme un général sur un champ de bataille, il utilise à son gré l’artillerie lourde (la sculpture monumentale), la cavalerie rapide (en bas-reliefs), ou l’infanterie légère (en maquette). Pierre Leblanc fait sa campagne.

À une autre époque, je le vois assis sur un cheval, menant ses gaillards à la conquête d’un Graal païen. Je l’entends rire, de ce rire inoubliable, complice, quand il montre son plan à la mauvaise troupe que nous sommes.

Nous ne comprenons pas toujours le message, mais nous suivons sans crainte ce chaleureux homme qui réussit à faire parler de ses sculptures, même par ceux qui n’osent pas les regarder, tellement ils les craignent.

Pierre Leblanc est un noir magicien qui n’a pas froid aux yeux. Il garde dans sa patiente alchimie un regard de braise pour tout ce qui se prête à son jeu savant. Ses oeuvres sont pleines de tiroirs secrets, contenant des trésors de rêveries anciennes. Cet homme est certainement le plus jeune patriarche que j’ai connu, de jour comme de nuit.

Michel-Pierre Sarrazin
Texte tiré du catalogue d’exposition Les années 80 – Pierre Leblanc, réalisé par le Musée d’art contemporain des Laurentides (MACL) en 1992.